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« La Peau hors du placard » : les gays asiatiques, deux fois discriminés

Livre. « Désolé, on ne cherche pas d’Asiatique. » Cette phrase, Jean-Baptiste Phou, artiste français d’origine chinoise et cambodgienne, l’a entendue plus d’une fois en s’inscrivant à des castings de comédien. Plus souvent encore, on lui a opposé son équivalent en écriture abrégée, sur des sites de rencontre gay : « Dsl, pas branché Asiat. » Une discrimination injustifiable d’un côté, la simple expression légitime d’une préférence physique de l’autre ? Ou s’agirait-il plutôt, comme le suggère l’auteur, d’un seul et même rejet raciste plus ou moins assumé ?
C’est bien l’idée qui émerge de La Peau hors du placard (Seuil, 176 pages, 17,50 euros), un récit fondé sur les mésaventures de l’auteur depuis son adolescence et ses premières expériences de drague en ligne, dans les années 1990 – à l’époque du Minitel –, jusqu’aux applications de rencontre utilisant la géolocalisation et proposant des « filtres » ethniques. Dans la communauté gay, explique-t-il, chacun se défend de tout racisme. Certains hommes homosexuels affichent même ouvertement leur préférence pour des Asiatiques. Mais, dans les couples mixtes, relève-t-il, les stéréotypes ont la vie dure : l’Asiatique est ainsi présumé sexuellement « passif » et dépendant matériellement.
La communauté gay aurait-elle ainsi reproduit et amplifié jusqu’à l’absurde les codes de la domination patriarcale ? Sans doute, juge l’auteur, qui note que les relations entre hommes asiatiques y sont perçues comme « incestueuses », ou même… « lesbiennes » – ce terme étant entendu péjorativement.
Sans prétention sociologique, ce témoignage résonne particulièrement à l’heure du #metoogarçons, vague de dénonciation des violences sexuelles subies par les hommes. L’auteur dit ainsi avoir intégré malgré lui cette « culture du viol » associée à la « culture du sexe » dans le milieu gay : « Je trouvais des explications, des excuses, abaissais toujours un peu plus le seuil d’acceptabilité », raconte-t-il en évoquant notamment « un partenaire retirant le préservatif » à son insu. « Pour moi, la brutalité, la contrainte et le risque étaient inhérents à la condition gay », écrit Jean-Baptiste Phou.
Au-delà de ce sombre tableau, l’auteur évoque, plus succinctement, les vexations subies en tant que comédien, où les castings pour des rôles généralistes lui semblaient systématiquement fermés. « Je n’essayais même plus avec ceux qui ne cherchaient pas spécifiquement un Asiatique. Perte de temps. Perte d’énergie », se rappelle-t-il. Les acteurs sont-ils donc condamnés à n’être choisis que sur un critère ethnique ? Sans doute pas, note l’auteur : dans la comédie musicale The King and I, montée en 2014 au Théâtre du Châtelet, et à laquelle il a participé, Lambert Wilson semble n’avoir eu aucune difficulté à décrocher le rôle du roi de Siam.
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